Directrice Marketing, Communication & Relation Clients au sein du groupe Charles Réma - YOU - Portéa, Delphine Pochet-Lerible nous explique pourquoi il faut aller au-delà du genre, quand on parle de profession. L’amour pour un secteur passionnant comme l’aménagement de la maison et la cuisine équipée, associé aux compétences individuelles, favorise la performance pour l’entreprise.
- Le début de carrière et la bienveillance des dirigeants.
- Des compétences solides autour de la passion pour la profession.
- L’intégration dans un milieu encore plutôt masculin.
L’Officiel des Cuisinistes - Comment êtes-vous arrivée dans l’univers de la cuisine équipée ? Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce secteur ?
Delphine Pochet-Lerible [1.1] - C’est vrai que je suis dans ce secteur depuis un certain moment, ce qui, peut-être, ne me rajeunit pas trop (rire). Plus sérieusement, je suis arrivée dans le secteur de l’aménagement, il y a 25 ans. Je venais d’arriver à Nantes pour des raisons personnelles et familiales auprès de mon conjoint et j’ai tout de suite remarqué une petite annonce pour un poste de chef de produit salle de bains.
Ce n’était qu’un CDD, à l’époque, mais c’est là qu’a commencé mon aventure chez Arthur Bonnet. J’ai été immédiatement marquée par la dimension décorative et fonctionnelle de ce secteur. Je peux affirmer que ce qui m’a plu dans ce domaine, c’est le côté aussi très pragmatique. On parle d’un métier qui est strictement lié à notre vie quotidienne. Et en parlant de quotidien, ce qui était au départ un contrat de travail de six mois, est devenu une belle histoire de 20 ans dans cette entreprise.
Dans notre travail,
on est obligé d’innover
en permanence
J’ai exercé, en somme, des fonctions plutôt liées au produit et à la communication, preuve en est que j’ai pris, au final, la responsabilité du marketing chez Arthur Bonnet. Ensuite, j’ai connu le monde passionnant de la franchise, avec la Direction marketing de Cuisines AvivA pendant un an et demi. Néanmoins, mon projet de vie et de travail me poussait plutôt vers l’Ouest et l’Atlantique. Pour cette raison et pour le fait de vouloir revenir au sein d’un fabricant, j’ai saisi la belle opportunité de mettre mes compétences au service du groupe Charles Réma - YOU - Portéa. Cela fait déjà cinq ans que je travaille pour ces grands représentants du Made in France dans la cuisine équipée et dans le dressing.
O.C. - Le domaine de la cuisine équipée est encore très masculin, notamment dans les fonctions commerciales ou techniques. Est-ce que cela a été un frein ou un défi pour vous à certains moments ?
D.P.-L. - Il est indéniable que le domaine de la cuisine équipée est un secteur très masculin, aussi bien côté technique que côté commercial. Mais, quelque chose est en train de changer.
Je me souviens que, dans ma carrière, j’ai participé à des réunions où j’étais la seule femme. Alors qu’aujourd’hui, la filière montre une belle mixité des équipes, élément révélateur de l’évolution de ce secteur. Dans mon expérience, le fait d’être une femme dans cette profession n’a pas été un problème : il n’y a pas eu de freins particuliers, mais peut-être le défi d’arriver à faire reconnaître ses propres compétences dans un domaine qui était plutôt masculin. Notamment, dans les métiers du produit où les bureaux d’études étaient (et sont encore aujourd’hui) essentiellement gérés par des hommes, c’était peut-être plus un challenge le fait de se faire remarquer par la qualité de son travail.
Aujourd’hui, on remarque des changements indéniables : il y a plus de femmes dans la filière (côtés vente, conception et direction de magasin) et dans notre groupe, nous avons choisi une femme en tant que Directrice commerciale, Carole Anquetil-Landemaine.
O.C. - Avez-vous déjà ressenti qu’il fallait "en faire plus" en tant que femme pour gagner en légitimité dans ce métier ?
D.P.-L. - Je ne suis pas forcément à l’aise avec cette idée de dire qu’il faut faire plus parce qu’on est une femme. En tout cas, je n’ai jamais ressenti cela, ni de sexisme non plus dans ma carrière. Peut-être que dans certains univers ou dans certaines entreprises, cela se produit. En revanche, je peux affirmer que, dans chaque équipe avec laquelle j’ai eu la chance de travailler, ça n’a jamais été le cas.
Je crois plutôt aux compétences et aux qualités individuelles : elles sont le moyen qui nous permet de nous intégrer, d’imposer notre professionnalisme et de trouver notre place au sein d’une entreprise. Je pense qu’en France, beaucoup de choses sont faites pour qu’on arrive naturellement à s’intégrer.
O.C. - Selon vous, qu’est-ce qu’une femme peut apporter de différent ou de complémentaire dans un secteur comme celui de la cuisine équipée ?
D.P.-L. - Encore une fois, je ne suis pas à l’aise avec cette obligation de classer les pros en tant que femmes ou hommes. J’aime plutôt parler des atouts individuels que chaque être humain et, par conséquent, chaque pro, montre dans sa vie et dans son travail. En en particulier, je dirais que c’est surtout la complémentarité dans une entreprise qui me parait intéressante.
Avoir des équipes composées d’hommes et de femmes est enrichissant. Pourvoir compter sur des équipes où on a des juniors et des seniors est également intéressant.
J’ai l’impression
que le domaine de
la cuisine équipée a fait
sa révolution interne
Peut-être que, de manière générale, on peut dire que les femmes ont plus de sens de l’écoute que certains hommes. Même la technique de vente change chez les femmes. Il y a quelques années, on assistait encore à des discours totalement formatés concernant la vente de cuisines équipées. Les femmes, en étant peut-être plus sensibles à la décoration, ont apporté une dimension un peu différente à la manière de vendre une cuisine.
Dans ma profession, j’ai pu observer dans nos magasins avec des équipes mixtes cette belle complémentarité de méthodes de vente, d’approche des clients différentes.
O.C. - Avez-vous rencontré des mentors qui vous ont inspirée dans votre parcours ?
D.P.-L. - Pour être tout à fait honnête, je pense que le terme "mentor" est un peu fort. En revanche, c’est vrai que dans mon parcours, chez Arthur Bonnet, entreprise au sein de laquelle j’ai vécu les premières années de ma carrière, il y a eu deux personnes qui m’ont particulièrement marquée. La première c’était Philippe Olivier qui était à l’époque directeur commercial et qui a su me faire confiance, en m’encourageant avec une grande bienveillance.
Et ensuite, il y a eu, dans la même entreprise, Edi Snaidero, le dirigeant du groupe éponyme. Il m’a inspirée avec sa vision du produit, une vision sûrement très aiguisée en termes de design. C’est lui qui a insufflé et amené ce regard qu’on n’avait pas du tout en France à l’époque, car c’était très nouveau de travailler dans le domaine de la cuisine équipée avec des designers.
Dans chaque entreprise que l’on croise, on rencontre des personnes inspirantes et qui savent aussi nous aiguiller. Chez Cuisines AvivA, j’ai connu Georges Abbou qui est quelqu’un d’extrêmement pétillant et qui a une idée à la minute.
Enfin, chez Charles Réma - YOU - Portéa, j’ai rencontré Jacques Cottel qui est le fondateur du groupe. Vraiment un grand monsieur avec une vision et une capacité à savoir poser les questions. Je trouve que c’est une qualité très importante d’un dirigeant : savoir poser la question qui va bien déranger et aiguiller les équipes. Grace aussi à des dirigeants comme eux, une entreprise reste performante, non seulement dans sa vie quotidienne, mais en se projetant sur l’avenir.
O.C. - Est-ce que vous observez une féminisation progressive du réseau (vendeuses, conceptrices, dirigeantes, patronnes) ? Ou reste-t-on encore sur des profils très masculins ?
D.P.-L. - Oui, il y a eu une féminisation progressive à tout niveau, comme on le disait plus haut. On le voit beaucoup dans l’électroménager, un secteur très masculin. Même dans cette filière, il y a de nombreuses dirigeantes et directrices commerciales qui ont émergé.
O.C. - La dernière édition du salon EspritMeuble a vu sur la scène vous Delphine, entourée par les représentants des autres marques primées. Vous étiez la seule femme. Comment avez-vous vécu ce moment ?
D.P.-L. - C’était un peu choquant, en fait, de voir ce plateau avec seulement des dirigeants hommes [1.2]. Et c’est vrai que, par rapport au monde du meuble, j’ai l’impression que le domaine de la cuisine équipée a fait sa révolution interne.
J’ai été marquée
par la dimension
décorative et fonctionnelle de ce secteur
C’était presque un peu gênant, l’année dernière, de retrouver ce côté très masculin, lors de la remise des prix "M awards". Charles Réma a été récompensé pour le produit Volte, le meuble fermé équipé de la technologie FurnSpin de Hettich. Cela a été un plaisir de recevoir aussi les félicitations d’Amanda Clouzeau, ravie qu’on puisse, en tant que femmes dans notre profession, prendre également la parole dans le domaine de la cuisine équipée.
O.C. - Quel message aimeriez-vous transmettre à une femme qui souhaiterait se lancer dans ce secteur, que ce soit en tant que conceptrice-vendeuse ou dans des fonctions de direction en communication et marketing ?
D.P.-L. - Notre secteur est très passionnant et lié à l’usage quotidien, donc il faut avoir cette notion d’expérience de produits qui facilitent le partage, la réception des amis, la vie de la famille… On est dans un domaine très concurrentiel et ça, c’est un défi de tous les jours. Dans notre travail, on est obligé d’innover en permanence et c’est cela qui est passionnant. Il y a également toute une dimension de déco, d’architecture d’intérieur qui inspire et fait grandir une personne (peu importe son genre) dans sa profession. Donc, je dirais, soyez curieux (ou curieuses), ayez envie d’avancer, parce que la cuisine équipée est vraiment un secteur d’avenir.
O.C. - Comment voyez-vous, donc, l’avenir du groupe Réma-YOU-Portea ?
D.P.-L. - Charles Réma - YOU - Portéa est un groupe où la compétence est vraiment liée à la conception et à la fabrication des produits. La force du groupe est de montrer aussi la complémentarité de nos offres, à savoir le positionnement premium dans la cuisine équipée chez Charles Réma [1.3], le milieu de gamme chez YOU [1.4] et l’aménagement global de la maison chez Portéa. Au sein de notre groupe, il y a une véritable capacité de répondre à 360° aux besoin d’un entrepreneur qui a besoin d’un partenaire fiable et solide sur tous ses métiers. Je suis, donc, confiante dans l’avenir de Charles Réma - YOU - Portéa qui permet aux entrepreneurs qui le souhaitent, d’exercer leur métier avec passion et liberté, en comptant toujours sur le soutien d’un fournisseur partenaire.
O.C. - Encore merci, Delphine, pour votre participation à ce dossier et pour cet échange enrichissant.
D.P.L. - J’ai trouvé ça très intéressant que vous puissiez prendre parti un petit peu différemment, qu’on ne soit pas forcement dans l’actualité de chacun et d’avoir des regards croisés qui soient plus singuliers. Je vous en remercie aussi, car je trouve que cela apporte un souffle un peu différent. Et c’est ça ce qu’on attend de la presse spécialisée : c’est justement des partis pris et une façon de questionner qui puisse amener à des moments de réflexion.
Sarah Jay De Rosa