Florence Alliou, Directrice Générale de Cuisines AvivA, nous parle des secrets pour un vrai leadership. Mots d’ordre : collaboration et intelligence collective. Un dirigeant est le responsable du succès collectif d’une entreprise et d’un réseau. À travers une histoire professionnelle et personnelle captivante, Florence Alliou nous dévoile aussi l’avenir de Cuisines AvivA, marqué par un important lancement en septembre.
- Une ouverture d’esprit à l’étranger.
- Un leader doit bien s’entourer.
- Le pragmatisme innédes femmes.
L’Officiel des Cuisinistes - Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et nous expliquer pourquoi vous avez choisi cette profession ?
Florence Alliou [1.1] – En termes de parcours professionnel, j’ai eu un parcours qui avait comme fil rouge la distribution spécialisée. Donc, une très forte attirance, à la base, pour la distribution et conjugué à un très fort attrait pour la décoration. C’est comme cela que je suis arrivée dans le domaine de l’équipement de la maison. Assez naturellement, après mes études, j’ai décidé de m’orienter vers ce domaine-là. Par contre, en termes de fonction, j’ai exercé de nombreux métiers, puisque dans le domaine de la distribution spécialisée, centrée sur l’équipement de la maison, j’ai été en début de carrière dans les achats, puis j’ai migré vers le marketing. Enfin, j’ai eu la chance de pouvoir faire du e-commerce et du digital et d’être également sur des métiers de services financiers après-vente.
Des fonctions, vous voyez, très opérationnelles que j’ai exercées à la fois en France et à l’international. J’ai eu une grosse partie de ma carrière à l’étranger, parce que les dix premières années de mon parcours professionnel, je les ai passées deux tiers en Angleterre et un tiers dans l’Hexagone. Pendant une autre partie de ma carrière je suis partie encore plus loin, puisque je dirigeais des équipes en Asie, Europe de l’Est et au Brésil. En fait, j’ai travaillé aussi dans le sourcing. Beaucoup de fonctions, mais le métier qui m’a fait arriver dans le domaine de la distribution spécialisée a été celui d’acheteuse. Ensuite, j’ai décidé de m’orienter vers un poste plus général, celui de directrice générale que j’ai exercé d’abord en Allemagne. En 2023 j’ai rejoint Cuisines AvivA au poste de directrice générale.
La vraie réussite
d’un leader c’est de ne pas
tout contrôler, mais de bien
s’entourer
J’ai toujours été attirée par ce monde de la distribution spécialisée pour son côté très concret et, en même temps, très créatif. On a l’impression de changer les choses au quotidien dans ce métier. On transforme la vie des gens, en rendant des produits [1.2] accessibles pour aménager leur intérieur. L’aventure plus récemment avec AvivA a été, tout de suite, très importante parce qu’il y a des valeurs humaines très fortes dans cette entreprise. C’est cette culture entrepreneuriale que j’avais moins connue, puisque je suis issue de très grands groupes, qui m’a beaucoup attirée chez Cuisines AvivA. Et je suis loin d’être déçue ! Au sein de cette entreprise j’ai trouvé un réseau très dynamique et toute l’ambition qu’on peut imaginer.
O.C. – Avez-vous constaté des changements dans la perception des femmes dans des rôles de leadership au cours de votre carrière en Angleterre ? Si oui, comment ces changements ont-ils affecté votre expérience professionnelle ?
F.A. – Merci de m’orienter sur ce point-là, parce que, personnellement, ce que j’ai vécu pendant ces expériences à l’international ce sont plutôt des différences avec la France. Par exemple, puisque je suis partie assez jeune en Angleterre, en revenant en France dix ans après, j’ai compris l’importance de la notion d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En Angleterre j’ai travaillé pour une société gérée par des dirigeants suédois. Nous étions dans les années 95 et cette société était très attachée à cette notion d’équilibre qui, je suis convaincue, est une des clés du succès pour une entreprise.
Également, ce qui m’a marquée quand j’ai traversé la Manche, c’est qu’il a fallu que je fasse preuve d’audace. Je pense que je suis arrivée dans un marché à l’époque, beaucoup plus flexible que la France. L’Angleterre est bien connue pour ça et j’ai compris qu’elle donnait sa chance à tout le monde. En revanche, les règles du jeu étaient très claires. Une fois que l’on vous les a données, on vous laisse votre chance.
Saisir une opportunité exige de l’audace, mais implique aussi d’en accepter les limites, les risques ou les efforts qu’elle implique. Ça vous engage à partir à l’étranger et à faire des actions que tout le monde n’est pas prêt à faire. Cette culture m’a profondément marquée, parce que j’ai trouvé qu’on vous donnait une chance et on vous disait tout de suite quels sont les attentes. C’était un peu le monde de tous les possibles en Angleterre à l’époque. En France, le parcours n’aurait pas été le même si j’étais restée dans mon pays. Etant donné le parcours académique que j’avais eu, bien entendu, parce que cela n’a pas immédiatement collé au métier que je souhaitais développer.
O.C. – Avez-vous rencontré des défis spécifiques en tant que femme dans un domaine qui est traditionnellement masculin ? Si oui, comment les avez-vous surmontés ?
F.A. – Je n’ai jamais rencontré de défis spécifiques pour le fait d’être une femme. Je n’ai jamais eu peur de percer un plafond de verre parce que j’étais une femme. C’est plutôt l’éducation que vous avez eue qui vous fait développer un certain nombre de postures et d’attitudes qui sont vos propres défis.
Par rapport à l’éducation reçue, il peut arriver à certaines femmes de développer le syndrome de l’élève modèle. Pour cette raison, vous vous mettez un peu plus de pression pour que vous puissiez être irréprochables. Est-ce que cela est dû au statut de la femme ? Peut-être que la frontière est fine. Je pense que c’est relatif à votre début de carrière. Avec le temps, vous apprenez à faire plus confiance en vous-même, à ne plus vouloir tout contrôler. C’est ça la preuve du leadership. C’est ce lâcher-prise, le fait de ne pas forcement tout contrôler.
La confiance, c’est vrai, n’exclut pas le contrôle, mais on ne peut pas tout maitriser. La vraie réussite d’un leader c’est de ne pas tout contrôler, mais de bien s’entourer de personnes en qui vous pouvez faire pleinement confiance, et qui savent maîtriser, mieux que nous, tous les périmètres d’expertise nécessaire à l’entreprise que vous dirigez. J’ai toujours eu la chance d’être entourée d’équipes formidables.
Il n’y a pas une entreprise que j’ai quittée sans avoir pu dire d’avoir eu le bonheur de découvrir des gens formidables et de les choisir. Il faut que la gouvernance d’entreprise soit complémentaire, qu’il y ait suffisamment d’hommes et de femmes. La gouvernance idéale est mixte.
O.C. – Avez-vous eu des mentors ou des modèles qui vous ont soutenue dans votre carrière ? Quel rôle ont-ils joué dans votre développement professionnel ?
F.A. – Sur ce sujet, et je le regrette bien, je n’ai jamais eu de mentors ni de modèles en particulier et, par contre, je pense que cela m’aurait été bénéfique.
Saisir une opportunité
exige de l’audace,
mais implique aussi
d’en accepter les risques
Un mentor est fait pour guider, pour challenger, pour vous faire prendre du recul. Tout ça est extrêmement positif, c’est un véritable atout. Malheureusement, ça n’a pas été le cas dans mon parcours. Je pense que c’est plus difficile pour une femme, dans un monde professionnel plutôt masculin, en tous les cas quand on parle d’équipes dirigeantes, de trouver un mentor. Je pense que, naturellement, un homme a plus de difficulté à "mentorer" une femme, mais ça c’est peut-être une vision qui n’engage que moi. À mon avis un homme va plus facilement aider un autre homme et plus difficilement une femme.
O.C. – Selon vous, quels atouts une femme peut-elle apporter à des postes de direction dans le secteur du retail, du design et donc de la cuisine équipée ?
F.A. – Là, encore une fois, je vais éviter de faire des généralités. Quand je parlais de complémentarité d’équipes, notamment dans le domaine du retail, du design et de la cuisine équipée, je pense que les femmes apportent une vision assez pragmatique et orientée sur la sensibilité du client final. Les femmes ont une vraie sensibilité pour définir, comprendre les réalités du client. Il y a, à mon avis, des ingrédients de bienveillance et d’exigence qui fonctionnent bien chez la femme. Et ça, c’est très important quand on fait un métier de service. Chez AvivA, nous voulons comprendre les besoins du client et lui proposer des solutions qui peuvent être adaptées à ses besoins.
O.C. – Est-ce cela ce que vous, Florence, avez apporté chez Cuisines AvivA avec votre arrivée ?
F.A. – Je dirais oui et non, parce que, en fait, les valeurs humaines de bienveillance, par exemple, ont été toujours très fortes chez Cuisines AvivA et elles ont été animées et entretenues grâce au fait que profondément ce sont des valeurs qui animent les cofondateurs.
Si on parle de pragmatisme, là aussi, je ne pense pas qu’ils étaient en "défaut" à ce niveau-là, avant que j’arrive. Etant donné l’esprit entrepreneurial des cofondateurs, encore une fois, le pragmatisme était présent dans le tournant de toutes les décisions. Très sincèrement, je trouve que les valeurs entrepreneuriales et les valeurs profondes de l’ADN de la marque correspondaient déjà beaucoup à ce que je vous décrivais. Mon vrai défi, c’est de continuer à animer cela, à le faire vivre au quotidien. Je ne fais qu’entretenir et faire vivre un patrimoine de valeurs qui était déjà présent avant mon arrivée, en allant ensemble encore plus haut.
O.C. – Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui envisagent une carrière dans le retail ou dans des postes de direction ?
F.A. – Entourez-vous bien, à la fois dans la gouvernance de votre entreprise et également dans les réseaux [1.3] avec lesquels vous pouvez échanger. Mon autre conseil serait de croire en soi.
En tant que dirigeante, je ne veux pas que les gens me disent ce que j’ai envie d’entendre. je souhaite m’appuyer sur des personnes qui fassent preuve d’une diversité d’approche, qui aient des vraies expertises et qui créaient cette intelligence collective dont on a besoin. Ça, c’est extrêmement important pour moi. En plus, ça c’est personnel, je pense qu’il faut bien se connaître et rester fidèle à soi-même. Et cela n’est pas évident, quand on est jeune, de bien se connaître.
Je dure dans les métiers que j’ai choisis, parce que je sais ce qui me plaît et, chaque matin, c’était un plaisir de me lever pour faire ce que faisais. J’ai toujours été fidèle à moi-même et, cela peut plaire ou pas, j’ai été identifiée comme authentique dans ma manière d’être leader. Ça correspond aussi bien à Cuisines AvivA. Il faut sortir de sa propre zone de confort. Je garantis de l’avoir fait dans ma carrière de façon très fluide et toujours avec enthousiasme.
O.C. – Y a-t-il beaucoup de femmes dans le réseau de magasins AvivA ? Sont-elles bien représentées au sein du réseau ?
F.A. – Elles ne sont pas assez nombreuses, parce qu’aujourd’hui on a un peu moins de 18 % de franchisés qui sont des femmes. Et les femmes, dans notre métier de cuisiniste, ont vraiment tous les atouts pour être très performantes et atteindre le succès. Ce chiffre-là, je n’en fais pas un axe prioritaire, mais ça nous pousse à faire mieux. Nous avons développé, notamment sur le site de la marque employeur, des vidéos d’interviews [1.4] de certains de nos franchisés pour les faire parler. C’est la démonstration que le métier de cuisiniste est totalement compatible avec l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Il faut leur faire comprendre qu’elles ont toutes leur place chez Cuisines AvivA. J’ai envie de vous dire que nous le démontrons même au quotidien, parce que dans mon comité de direction, désormais, nous sommes neuf, quatre femmes et cinq hommes. Donc, on montre aussi à nos franchisés qu’on est sur cet équilibre qui fonctionne très bien. Je mets tout en œuvre pour développer les bon contenus, les bons messages pour leur démontrer de façon extrêmement pragmatique que, chez Cuisines AvivA, elles peuvent retrouver un métier qui est compatible avec les attentes d’une femme. Nos meilleures ambassadrices sont les femmes qui sont déjà avec nous.
O.C. – Comment envisagez-vous l’avenir de Cuisines AvivA ?
F.A. – En termes de contenus et de messages, nous souhaitons mettre en avant que ce métier est en totale adéquation avec les femmes. Ces dernières doivent comprendre qu’elles vont rejoindre un réseau qui est très dynamique, qui a démontré en 2024 des résultats plus que positifs et qui continue sur la même dynamique en 2025. Elles rejoignent une marque renouvelée. Nous préparons d’ailleurs de belles surprises pour septembre, à l’occasion de nos 25 ans, avec le lancement d’un nouveau concept magasin : AvivA Connect. Ce nouveau concept reste fidèle à notre cœur de métier – la cuisine équipée – tout en ouvrant de nouvelles perspectives concernant le living et le dressing, par exemple. Je suis persuadée que les femmes s’identifieront pleinement à ce nouveau modèle, aujourd’hui plus que jamais.
Sarah Jay De Rosa